Certains micro-organismes clés du microbiote intestinal de l’homme seraient voués à disparaître à terme, si notre alimentation occidentale demeure ce qu’elle est. Et si la situation se pérennise sur plusieurs générations, ce phénomène pourrait être irréversible, même en nourrissant à nouveau le microbiote de façon appropriée.

Une histoire d’ajustements du microbiote

Au cours de l’histoire, l’évolution de l’alimentation de l’homme a connu de nombreux paliers, passant d’abord d’un approvisionnement par la chasse et la cueillette, à la révolution agricole.

Ce n’est que récemment que son alimentation repose sur une consommation de masse de denrées alimentaires dérivées de processus industriels, dans un contexte de mondialisation. Ces changements ont probablement été accompagnés par un ajustement concomitant du microbiote intestinal.

Moins de fibres fermentescibles

Qu’est-ce qui différencie nos ancêtres des hommes d’aujourd’hui? Plusieurs données indiquent, par exemple, que nous présentons une plus faible diversité du microbiote intestinal que leurs aïeuls, que ce soit à l’époque de la chasse-cueillette ou des méthodes agricoles.

Une des explications possibles se trouverait dans l’alimentation, avec une moindre abondance de fibres alimentaires (et plus de graisses et sucres ajoutés), en particulier de fibres fermentescibles. Ces dernières constituent la première source de carbone et d’énergie pour le microbiote, dans la partie distale du côlon.

Notre alimentation pauvre en fibres façonnerait un écosystème microbien moins diversifié, et ce n’est pas une bonne nouvelle.

Expérience sur le modèle du microbiote humain

Afin de mesurer concrètement l’impact de l’alimentation moderne sur la diversité du microbiote, des chercheurs ont reproduit un modèle de microbiote humain chez des souris. Celles-ci ont été réparties en 2 groupes: le premier groupe contrôle recevait une alimentation riche en fibres fermentescibles tout au long de l’expérience (19 semaines).

Le second groupe, après 4 semaines de régime riche en fibres fermentescibles, basculait vers une alimentation pauvre en fibres fermentescibles durant 7 semaines, avant un retour à l’alimentation riche en fibres. L’expérimentation a ensuite été répétée sur les 4 générations suivantes de rongeurs.

Une perte de diversité qui s’aggrave

Les résultats témoignent d’une perte importante de la diversité: dans le régime pauvre en fibres fermentescibles, près de 60% des bactéries diminuent en abondance d’un facteur 2 en comparaison des 11% dans le groupe contrôle avec une alimentation riche en fibres. Et après retour à une alimentation riche en fibres, la résilience n’est pas totale: 33% des bactéries du microbiote conservent leur perte en abondance, quel que soit l’âge du rongeur.

Ce phénomène est maintenu au fil des générations. Pire, il s’accentue, même lorsque l’on administre oralement les genres bactériens «disparus» (principalement des Bacteroides) aux rongeurs. Il semblerait en effet qu’avec le temps, les «victimes» microbiennes de cette sélection naturelle perdraient une partie de leur capacité à digérer les fibres.

Des signes d’extinction bactérienne

Pour les auteurs de l’étude, si ce modèle ne permet pas de répliquer à l’identique le microbiote humain, beaucoup plus riche et complexe, il révèle des signes évidents d’extinctions bactériennes extrêmement rapides, en seulement quelques générations.

Et ces extinctions concernent des micro-organismes bénéfiques pour l’hôte, ce qui pose question, compte tenu du rôle prépondérant du microbiote dans plusieurs fonctions biologiques de premier plan du corps humain.